Accueil > Œuvre > Notices > Sonate

Sonate

jeudi 1er juillet 1982, par Jacques Huybrechts

 pour violon et piano - 1925

Musical America
September 11, 1926

 Prix COOLIDGE 1926

Dès 1922 il a lu le SACRE, qu’il emporte avec lui comme quelque sommation à comparaître. L’année suivante le Pierrot Lunaire va surgir. Il ne laisse cependant rien paraître d’un certain dilemme, au contraire, il semble vouloir s’y soustraire ou, du moins, en reculer la solution. Il va à la rencontre de quelque chose d’inévitable et nécessaire. Ce ne seront ni Stravinsky ni Schönberg qui le décideront bien qu’il sache que sur le plan esthétique les jeux sont faits. Mais un tout petit choc, on pourrait dire le contact d’une âme.

Pendant l’hiver 1924, Paul Collaer et le Quatuor Pro Arte jouent le Quintette d’un inconnu : Ernest Bloch. Cette voix fraternelle, est exactement ce qu’il attendait pour se décider. On semblait croire à l’époque que l’enrichissement de la matière musicale, fruit d’un effort de libération lucide, allait de paire avec la destruction de la grande convention sentimentale issue du Romantisme. Le renforcement de l’attitude objective donnait naturellement la primauté aux jeux esthétiques, mais lorsque le touche un accent fraternel, il prend soudain conscience du pouvoir subjectif de la musique moderne.

Bien qu’il eut connu toute la puissance dynamique et que son aspect séditieux l’attira, il semble qu’il ait cherché un moment par quel bout la prendre pour lui faire dire quelque chose.

Extrait par Véronique Bogaerts & Dominique Cornil

Le premier pas est fait avec la Sonate pour violon et piano de 1925. La forme est traditionnelle. La base tonale nettement posée. Le matériau apparaît toutefois singulièrement neuf, mais cela semble dû à la façon dont il est traité, non à des innovations véritables. Il est ordonné et dompté, soumis à une volonté rigoureuse, d’autant plus rigoureuse qu’il veut manifester quelque chose. Car ce ne sont pas les éléments rythmiques inédits ou l’emploi particulier de complexes harmoniques, comme on l’a cru à l’époque, qui importent. Ce qu’il y avait d’important et de particulier c’était Albert HUYBRECHTS ; présence âprement voulue où se précise la nature d’un esprit et, pour tout dire, une attitude sans concessions. Il a choisi contre le bon plaisir, le jeu gratuit, il le dit avec hauteur, sûr de soi, dédaigneux semble-t-il de s’expliquer là-dessus. Il est contre, c’est tout.

Ce n’est pas tant le dieu d’hier qu’il renie, mais un certain esprit 1920 que tous les musiciens modernes ont connu. S’il partage avec eux, jusqu’à un certain point, les moyens d’expression, il n’en fait pas une fin en soi mais s’en saisit comme de la première arme efficace à portée de sa main, bien décidé quant à lui, à ne pas plaisanter. [1]

Jacques A. HUYBRECHTS